Texte de Christiane

Lu à la présentation d’Ivonick Desbiens

au Gala de l’Ordre du Bleuet, le 11 juin 2016



Fils de Juliette Fortin, pianiste, dont la mémoire est commémorée par une rue de La Baie portant son nom, et d’Ernest Desbiens, maréchal ferrant, toute la vie d’Ivonick Desbiens trouve écho dans cette chanson de Moustaki :


Il y avait un jardin qu'on appelait la terre […]

Il était habité jadis par nos grands-pères

Qui le tenait eux même de leurs grands-parents


Le grand jardin d’Ivonick fleurit de musique de génération en génération. Né à La Baie le 16 juin 1925, il grandit dans une maison où la musique est omniprésente. Sa mère et ses tantes sont musiciennes. Lui-même, frère de sœurs toutes musiciennes, s’initie à 10 ans au violon qu’il troquera plus tard pour la clarinette, instrument plus conforme à la fanfare de Port-Alfred que dirigeait Robert McLean. En 1949, il se marie avec Jacqueline Harvey artiste, chanteuse du Big Band qu’il a fondé. Il est père de six filles musiciennes et grand-père d’artistes dont Érica Tachoir qui, après le chant et la danse, fait sa marque aux États-Unis comme actrice, scénariste et metteure en scène. Ses gènes sont une portée où il n’y a pas de silence. Sa descendance, comme lui, est l’écho d’une lignée à qui la vie musicale du Saguenay–Lac-Saint-Jean doit beaucoup.


Oui, son monde est un grand jardin de notes qui le poussent, en 1965, à quitter la sécurité d’un emploi de comptable à l’Alcan pour se consacrer exclusivement à la musique et à son commerce de partitions musicales et d’instruments difficiles à trouver en région, notamment l’accordéon et l’orgue. Amoureux de la musique de Glenn Miller et de Benny Goodman, Ivonick fonde son propre « Big Band », initiant plusieurs générations de musiciens au jazz, trop heureux de faire danser la jeunesse des années 1940. Un plaisir qu’il poursuivra au-delà de l’an 2000.


Ne lui demandez pas son âge. « J’ai l’âge de mon allure », répondra-t-il aujourd’hui, fier de conduire encore sa voiture moderne, lui, le collectionneur des voitures de luxe Packard. Son garage en abrite deux modèles des années 1949 et 1956. Une passion que cet ancien commodore fondateur du Club de yacht de La Baie partage avec les bateaux comme ceux qu’il vendait dans son commerce du Lac Otis, le Nick Turbo Marine.


Le Big Band est le rêve réalisé. Le comptable assure la sécurité de sa famille, mais la maison devient petit à petit un lieu de commerce. La musique s’inscrit parmi les loisirs les plus fréquentés des familles du Saguenay. Ivonick fait œuvre de pionnier devenant un important importateur d’accordéons de l’Est québécois. En 1963, il agrandit la résidence familiale pour mieux répondre à l’envergure de son commerce. Deux ans plus tard, il prend le beau risque de la musique contre la stabilité comptable. En 1970, il ouvre une première succursale à Place du Royaume de Chicoutimi et une seconde au Faubourg Sagamie d’Arvida, tout en musicalisant les soirées festives lors de congrès et de mariage, malgré la féroce concurrence du disco. En 1983, sur le boulevard Talbot, il inaugure le magasin Ivonick Desbiens, dont la réputation enviable demeure sous la direction de Marc Tremblay, propriétaire de l’entreprise depuis plusieurs années.


Ivonick, qui dès l’enfance, a vécu entouré de femmes, ses tantes, ses sœurs, ses filles, a eu l’idée de créer un orchestre essentiellement féminin au cours des années 1990. Et grâce à son Big Band, il a été un tremplin pour plusieurs étudiants en musique, leur offrant l’occasion de se produire en public.


Le chagrin ne l’épargnera pas. En 1998, il perd sa compagne Jacqueline et doit, le 26 août 2008, affronter la mort de sa fille Ginette. Mais la vie réclame ses droits. Son plaisir d’aller aux concerts, il le partage avec sa compagne d’aujourd’hui, Claudide Tremblay, témoin privilégié des grands moments où la population rend hommage à ce précurseur en plusieurs domaines. Le Festival de Jazz et Blues a inclus dans son programme La Grande soirée Jazz et Blues Ivonick Desbiens musique et, depuis 2006, le trophée Ivonick Desbiens récompense le talent musical de jeunes musiciens. En 2015, L’Orchestre symphonique du Saguenay–Lac-Saint-Jean lui rend hommage dans le cadre d’un concert de la saison pour souligner sa contribution à la diffusion de la musique dans sa région.


Membre du conseil d’administration de l’Orchestre symphonique depuis sa création, Ivonick Desbiens a la ferme conviction qu’« avec la musique on ne peut pas être malheureux. » Mais généreux, oui. Car il n’hésite pas à mettre le talent des musiciens professionnels pour recréer, à l’occasion, un Band au profit de causes caritatives : le Gala–Bal du Manoir du Saguenay pour la Fondation Renaissance en 1999 ou, en octobre 2007, l'Authentic Sound Big Band formé de 20 musiciens professionnels interprétant les musiques des années 1960-1970 sous la direction d’Ivonick Desbiens et du major Alain Pineault pour la Fondation de l’hôpital de La Baie. Après un concert d’adieu en 2000, cette prestation se voulait son chant du cygne. Mais pour plusieurs générations de musiciens de la région, Ivonick est un cygne musical qui ne repliera pas ses ailes.



Le 11 juin 2016

Ivonick Desbiens


Musicien, chef d’orchestre,

force vive de la musique au Saguenay–Lac-Saint-Jean



fut reçu membre de l’Ordre du Bleuet


dimanche 24 juillet 2016

        

POURQUOI L'ORDRE DU BLEUET

L'intensité et la qualité de la vie culturelle et artistique au Saguenay-Lac-Saint-Jean est reconnue bien au-delà de nos frontières. Nos artistes, par leur talent, sont devenus les ambassadeurs d'une terre féconde où cohabitent avec succès toutes les disciplines artistiques. Cet extraordinaire héritage nous le devons à de nombreuses personnes qui ont contribué à l'éclosion, à la formation et au rayonnement de nos artistes et créateurs. La Société de l'Ordre du Bleuet a été fondée pour leurs rendre hommage.La grandeur d'une société se mesure par la diversité et la qualité de ses institutions culturelles. Mais et surtout par sa volonté à reconnaître l'excellence du parcours de ceux et celles qui en sont issus.